

Exposition sur la Figuration narrative à la galerie Christiane Vallé :
- Le vernissage aura lieu le vendredi 14 octobre 2022 de 18h30 jusqu’à 21h en présence d’Ivan Messac.
- L’exposition commencera le 14 octobre et prendra fin le 19 novembre 2022.
- Une soixantaine d’œuvres seront accrochées. Et une rotation en cours d’exposition sera effectuée.
- 18 artistes de la Figuration narrative sont présentés.
- Entrée libre
- Horaires du mardi au samedi : 10h-12h et 15h-19h
La Figuration narrative a cette vibration en plus
Entretien avec David Chabannes par Loïc Chenevas-Paule
Dans sa pièce de théâtre Un mari idéal, Oscar Wilde écrit : « La jeunesse n’est pas une affectation. La jeunesse est un art. » Cet art, David Chabannes le cultive depuis 2014, année pendant laquelle il débute dans la galerie familiale Christiane Vallé. A l’époque, il a alors 21 ans et, déjà, plusieurs artistes le qualifient de « gamin étonnant » tant il déborde d’audace, de passion et d’énergie. Aujourd’hui, ce jeune papa gère avec panache son affaire avec sa femme Laura, et c’est avec un enthousiasme contagieux que le couple affiche sa volonté de démocratiser la Figuration narrative, en se servant d’une exposition regroupant 80 oeuvres de 18 artistes différents comme point de départ.
La Figuration narrative est née dans une époque de contestation sociale. Un sentiment que l’on retrouve aujourd’hui, sur des thématiques différentes. Ça coulait de source de vouloir mettre en avant ce style artistique dans une exposition ?
David Chabannes : Il y a une résonance qui s’est créée assez naturellement. D’abord, c’est un mouvement qui a été créé en 1964, avec des artistes de l’époque qui, pour la plupart, sont décédés. C’est dommage d’attendre que tous ces artistes nous quittent pour mettre en avant leur travail. Ensuite, oui, il y a un lien avec le sentiment de révolte qu’il y a aujourd’hui et que l’on retrouvait dans les années 60. A l’époque, il y avait la guerre d’Algérie, puis Mai 68, avec une révolte sociale et des artistes étaient montés au créneau. Nous, on a fait face à la crise des gilets jaunes, la pandémie, la guerre en Ukraine… Le contexte n’est pas le même mais les sujets, eux, sont tout aussi importants. Et la Figuration narrative amène cette réflexion et cette dénonciation.
Avec tout ce contexte que l’on vient de décrire et ce sentiment de libération de la critique, on a l’impression que l’art, au regard de la presse et des livres, prend encore plus d’importance aujourd’hui dans la société…
D.C. : De plus en plus, et il y en a besoin. Attention, il faut aussi avoir de l’art pour l’art, des œuvres qui n’ont pas de signification particulière mais qui nous parlent tout de suite. Mais la Figuration narrative a une vibration en plus, et ça me parle. Les artistes ont un pouvoir exceptionnel, qui est de laisser parler leur expression artistique et leur créativité pour dénoncer quelque chose, avec une vraie réflexion derrière. Faire de l’engagé pour de l’engagé, c’est moins intéressant que de faire de l’engagé intelligent, avec la réflexion et de la nuance. Et je trouve que c’est très important de pouvoir se dire qu’on vit dans une certaine actualité et qu’un artiste arrive à envoyer un message très clair par rapport à cette actualité, avec sa création, sans utiliser des mots comme peuvent le faire un journaliste et un écrivain. Aujourd’hui, on vit dans un monde où, à mon sens, on a besoin de voir ces choses-là.
A quand remonte votre première rencontre avec la Figuration narrative ?
D.C. : J’ai commencé à travailler pour la galerie en 2014. On avait beaucoup d’artistes relativement classiques qui étaient exposés mais aussi quelques uns qui étaient un peu différents comme Peter Klasen, Gérard Guyomard et Ivan Messac. Leur travail m’a marqué parce qu’il regroupe ce que j’aime dans la vie : l’automobile, la musique, la bande dessinée, le cinéma… Je me retrouvais dans ces artistes-là, qui avaient une vision plus contemporaine du monde de l’art. Pour l’anecdote, on avait un tableau de Messac sur Jimmy Page, le guitariste du groupe Led Zeppelin. Cette oeuvre n’avait pas de signification particulière pour moi. Mais elle m’attirait parce qu’elle correspondait à ma base de culture. Puis, quand mon père est décédé et que j’ai repris la galerie en 2015, j’ai essayé d’encore mieux comprendre le travail de ces artistes, en commençant par celui de Peter Klasen. Je me suis aperçu qu’il utilisait beaucoup d’éléments industriels dans ses oeuvres… C’était différent de ce qu’on avait l’habitude de voir. Je m’interrogeais sur le sens de ses créations et j’ai voulu le rencontrer. Quelques jours après l’enterrement de mon père, je l’ai appelé et il m’a dit de venir dans son atelier dans le Sud de la France. Il m’a alors expliqué qu’il n’était pas là pour faire une belle composition avec des couleurs, des champs de coquelicots et des forêts (rires) ! Lui, il souhaitait mettre en avant les villes, les usines, les automobiles, les déchetteries… bref, tout ce qui a été créé par l’Homme. Et il m’a dit quelque chose de très intéressant en marge de son exposition au Château de Val en 2016 : « on dit souvent que l’art ne s’explique pas. Or, mon art s’explique ». Et je trouve ça vrai. Il y a là une forme de réponse au mouvement poppart – que j’apprécie aussi – mais avec un peu plus d’engagement.



Y a-t-il une oeuvre qui vous marque particulièrement quand on évoque la Figuration narrative ?
D.C. : C’est difficile car il y en a des oeuvres qui me parlent plus, c’est sûr. Celle de Bernard Ransillac avec James Brown est l’une de mes préférées. C’est une oeuvre exceptionnelle qui date de 1974 et qui représente parfaitement ce mouvement. On y voit un artiste noir, affichant une position sûre face au public et avec tout le contexte de l’assassinat de Martin Luther King Jr autour… C’est quelque chose de puissant. Ça a beau être de la musique, il y a tout un tas de messages derrière et ça trouve encore plus de résonance en sachant qu’elle a été mise en avant lors de la seule exposition sur la Figuration narrative qui a eu lieu à New York au printemps 2021. Pour moi, cela a beaucoup de sens…
Et parmi les oeuvres présentées lors de cette exposition, y’en a-t-il une pour laquelle vous avez un coup de coeur ?
D.C. : Ce n’est pas facile d’en choisir une seule, car nous avons peut-être construit notre exposition avec des tableaux d’un même mouvement mais avec des univers tellement variés… Chaque artiste y affiche sa personnalité et peut même surprendre en proposant quelque chose de différent de ce que l’on peut connaître de lui de manière générale. Par exemple, il y a une oeuvre d’Erro qui me plait beaucoup et qui date de 1966 : Le Jugement de Paris et l’école de Montmartre. Je n’avais jamais imaginé pouvoir l’exposer… Erro, tout le monde le connaît pour ses super-héros, ses tableaux avec des têtes de manga ou encore ses hommages à Picasso… Là, cette oeuvre a une résonance très particulière car elle critique l’Ecole de Paris et son classicisme. Il y a une vraie symbolique derrière ce travail, à la fois sur le plan technique et dans le message à faire passer. Ça détonne. Je peux aussi citer des oeuvres de Jacques Monory, et c’est une fierté pour moi de pouvoir les exposer car depuis son décès, il n’y a plus vraiment de tableaux de lui sur le marché. On a aussi du Peter Klasen, qui rend hommage à Kasimir Malevitch, ou encore Vladimir Velickovic, dont le style peut ne pas plaire à tout le monde mais dont la force qui se dégage de sa peinture a forcément un impact quand on la regarde…
Cette exposition n’est pas une finalité… Quelle est la suite que vous comptez donner à cette aventure ?
D.C. : C’est un projet qui a pour but d’évoluer. Avec la galerie, on fait cette exposition pour rendre la Figuration narrative plus accessible à tous. On ne veut pas faire une exposition seulement pour vendre. Bien sûr, ça fait aussi partie de la vie d’une galerie mais nous, on veut aller plus loin que ça, parce qu’on souhaite d’abord fournir les clés aux gens qui viennent nous voir pour comprendre ce style artistique. On a fait une sélection d’artistes très variés et qui viennent du monde entier pour proposer un panel très large mais aussi une continuité dans le temps. On a des oeuvres qui évoquent l’industrialisation, les révoltes sous le régime de Franco, la place plus importante prise par le cinéma… D’où l’idée du livre, aussi. Certains mouvements ont été défendus à l’époque mais il n’y a jamais eu de manifeste sur la Figuration narrative.
Tout ce travail a pour but de toucher le monde muséal pour 2024, à l’occasion des 60 ans de Mythologies quotidiennes. Une exposition muséale, ce n’est quand même pas la même chose qu’une exposition dans une galerie. Donc c’est l’objectif. D’ailleurs, si on arrive à faire cette exposition, c’est aussi grâce au soutien de nombreuses personnes, qu’elles soient extérieures à l’univers de l’art, les artistes eux-mêmes mais aussi d’autres galeries… Certes, il y a beaucoup de travail personnel mais tout ça ne serait pas possible sans l’aide et la bienveillance de confrères, qui ont immédiatement adhéré au projet en acceptant de fournir des oeuvres.
Encore une fois, notre priorité est que ce soit accessible au plus grand nombre, aussi bien pour la vente mais également et surtout pour la compréhension des oeuvres. Le monde de l’art est formidable car il a énormément de choses à dire.